Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/10/2007

Les Demeurées – Jeanne Benameur (2000)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

603c85a7cdf754503ac313ca29650677.gif« Les sons se hissent, trébuchent, tombent derrière la lèvre. Abrutie. » L'abrutie c'est La Varienne, l'idiote du village. Et La Varienne a une fille, la petite Luce. Sans doute abrutie elle aussi. Car pour les gens d'ici, c'est simple : l'enfant d'un demeuré est un demeuré. Pourtant la petite pourrait apprendre, peut-être. Mademoiselle Solange, l'institutrice, en est convaincue. Mais pour la petite, apprendre serait trahir sa mère. Alors « elle n'apprendra rien. Rien et rien. Elle restera toujours avec sa Varienne. Toujours. »

« Mademoiselle Solange soupçonne qu'au fond de la tête de cette enfant se niche une dureté têtue, une obstination qu'il s'agirait de vaincre. Luce n'apprend rien. Luce ne retient rien. Elle fait montre d'une faculté d'oubli très rare : un don d'ignorance. Des enfants que l'étude n'intéresse pas, Mademoiselle Solange en a rencontré, en face d'elle, dans les rangées bien alignées. C'était bêtise, c'était paresse.
Avec Luce, il s'agit d'autre chose. »

L'écriture de Jeanne Benameur est d'une grande précision, toute en suggestion, sans démonstration. En 80 pages elle dresse le portrait plein de délicatesse d'un amour filial, un amour originel, instinctif, indéfectible, mystique presque, un amour qui se suffit à lui-même, un amour qui veut et peut se passer du monde. Il ne faut pas en dire plus. Sachez seulement que le final est superbe et m'a laissée pantoise et émue.

______________________________

Jeanne Benameur, Les Demeurées, éd. Denoël, coll. Folio, 2007 (2000), 80 pages, 2 €.

Un grand merci à Florinette pour m'avoir fait découvrir ce livre et me l'avoir prêté !

30/07/2007

La Dégustation – Yann Queffélec (2003)

9005545d546372b24ba8ba7c5deb701f.gif« Le 2 avril 1973, à Nice, Bernard Tangor épousa civilement Muriel Frichot, la fille d'un ami. Il était en bleu marine, elle en blanc, un camélia rouge à la ceinture.
« Oui », dit-elle au maire en souriant.
Elle avait dit oui. Il pensait qu'elle dirait non. Qu'elle prendrait peur et s'en irai en courant. Erreur. Cette jolie fille aux yeux noirs l'aimait. A cinquante ans, il se mariait avec une demoiselle qui fêtait le jour même sa majorité. Anniversaire et mariage - beau doublé. »

C'est l'histoire d'un homme de 50 ans et d'une jeune femme de 21 ans qui s'aiment malgré tout. Elle est jeune, belle et brillante, il est riche, cultivé et désinvolte, il est son pygmalion. Bonheur made in Côte d'Azur. Sauf que petit à petit une ombre s'immisce entre eux : le passé trouble de Michel vient éroder leur union... Découvrir la suite...

01/05/2007

Le Magasin des Suicides – Jean Teulé (2007)

Mauvais jour, madame...

Le Magasin des Suicides.gifC'est un petit magasin où n'entre jamais un rayon rose et gai. C'est un petit commerce peu orthodoxe, une institution familiale, tenu avec dévotion depuis dix générations par la loufoque et sinistre famille Tuvache qui vend à qui veut se supprimer les outils adéquats. De la corde de chanvre tressée main au cocktail-poison du jour, en passant par la pomme au cyanure ou encore le kit "hara-kiri" avec kimono et sabre, tout et plus encore se trouve dans les rayons du Magasin des Suicides qui honore son slogan : « Vous avez raté votre vie. Avec nous, vous réussirez votre mort ! »

Ce commerce d'utilité publique aux affaires mortellement prospères est tenu par Lucrèce et Mishima, parents de trois enfants, Vincent, Marilyn et Alan, prénommés en hommage à des suicidés de légende (Van Gogh, Monroe et Turing). Les deux aînés, perclus de désespoir, ont cette propension au malheur qui caractérise la famille. Vincent, anorexique, se bande la tête pour pallier à ses migraines, tandis que Marilyn déprime d'être si laide et inutile : à eux deux ils encouragent largement les affaires familiales. Hélas Alan, le petit dernier, est un gamin souriant, pourvu d'un indéfectible optimiste et d'une joie de vivre ostentatoire qui va peu à peu contaminer sa famille et les clients de la boutique et mettre en péril l'entreprise de ses parents.

Ce roman barré fourmille de détails croustillants, drôles et décalés, de désespoir enrobé de dérision et d'humour noir, d'inventivité funèbre et paradoxalement réjouissante. Car rien n'est glauque dans ce roman, bien au contraire : Jean Teulé réussit à nous faire rire du quotidien macabre de cette pseudo famille Adams.

Hélas, ce qui fait toute l'originalité et l'humour du texte, son acidité et sa drôlerie, disparaît dans le dernier tiers du livre au moment où la famille oublie peu à peu ses instincts morbides pour laisser place à sa soudaine joie de vivre initiée par Alan. Teulé rompt alors cruellement avec la tonalité des deux premiers tiers du récit, renonçant à l'humour noir et à l'impertinence. Le récit tombe ainsi dans quelque chose de plus commun, il devient mièvre et gentillet, sombre dans les bons sentiments et la guimauve, et s'épuise dans un final grand-guignolesque affligeant.

______________________________

e%2020.gifJean Teulé, Le Magasin des Suicides, éd. Julliard, 2007, 157 pages, 17 €.

Du même auteur : Darling & Le Montespan.

14/04/2007

La moustache – Emmanuel Carrère [1986]

Que dirais-tu si je me rasais la moustache ?

la moustache,emmanuel carrèreDepuis toujours, Marc porte une moustache. Un soir, pensant faire sourire sa femme Agnès et ses amis, il décide pourtant de la raser : miroir, ciseaux, rasoirs, les poils son sacrifiés, remisés à la poubelle. Mais quand Marc sort de la salle de bains, sa femme n'a aucune réaction, comme si de rien n'était. Même indifférence le soir chez des amis et le lendemain matin au travail. Et le dépit initial de Marc se mue petit à petit en défiance puis en panique quand femme et amis lui affirment qu'il n'a jamais eu de moustache. Découvrir la suite...

25/04/2006

Je l'aimais - Anna Gavalda [2002]

Je l'aimais.gifJe viens de lire Je l’aimais, premier et tout petit roman d'Anna Gavalda, écrit dans un style minimaliste, et qui se lit très vite :

Adrien est parti, sa femme Chloé et leurs deux filles sont sous le choc. Pierre, le père d'Adrien, apporte à la jeune femme son réconfort, à sa manière : plutôt que d'accabler son fils, il semble lui porter une certaine admiration. Son geste est égoïste, certes, mais courageux. Lui n'en a pas été capable. Tout au long d'une confidence en pointillés, il raconte à sa belle-fille comment, jadis, en voulant lâchement préserver sa famille et son confort, il a gâché sa vie et son amour.

« On biaise, on s'arrange, on a notre petite lâcheté dans les pattes comme un animal familier. On la caresse, on la dresse, on s'y attache. C'est la vie. II y a les courageux et puis ceux qui s'accommodent. C'est tellement moins fatigant de s'accommoder... »

Ce livre est facile à lire, mais il lui manque quelque chose, un peu de profondeur sans doute. Les émotions sont présentes, certes, mais pas très intenses. La morale du livre (parfois il faut faire des choix douloureux pour parvenir au bonheur) reste simpliste. L'idée de confronter le beau-père et la belle-fille autour du départ du fils et mari est originale (c'est là un des rares intérêt de ce livre assez larmoyant) car alors les dialogues font mouche. Le beau-père est le personnage qui a le plus de substance et je le trouve assez réussi quand il tombe le masque du "vieux con" autoritaire et hautain, mais c'est une tranche de vie somme toute assez banale qu'il raconte.

______________________________

e%2020.gif Anna Gavalda, Je l'aimais, éd. J'ai Lu, coll. J'ai Lu Roman, 2003 (2002), 154 pages, 4,80 €.

Du même auteur : L'Echappée belle, Ensemble, c'est tout